KARATE-DÔ
ART DE DEFENSE ET DE COMBAT A MAINS NUES
Le " Non-But "
A l’instar de Maître Tsuda, Kase O Sensei nous enseignait le "non-but", je veux dire que nous apprenions à pratiquer sans rien attendre en retour et je peux en témoigner au regard de ma " petite ancienneté " car il existe, en France, un noyau dur d’instructeurs plus anciens que moi des " Senpai " fidèles parmi les fidèles et qui sont des trésors de " savoirs " auprès desquels on ne peut que retrouver le véritable travail de Maître Kase…et qui n’ont pas collectionné pour autant titres ou dan. En France, le Sensei limita les distinctions de ce genre et toujours après un laps de temps que lui seul estimait.
Là encore, grâce au Professeur et Maître Tsuda, je compris que le choix de suivre Maître Kase était juste : non seulement cet homme était capable de passer, en une fraction de seconde, de l’état de " Kime " à une détente parfaite, mais il incarnait la transmission de ses propres instructeurs, Funakoshi Gichin et surtout, son fils " Yoshitaka O Sensei " et son " senpaï " Okuyama O Senseï, lignée qui travailla beaucoup sur le style de Maître Itosu mais surtout sur celui de Maître Asato.
Cette synthèse de pratiques, associées à bien d’autres enseignements martiaux, Maître Kase nous l’exprima jusqu’à la fin de sa vie et certains instructeurs qui, comme moi, étaient présents lors du " Gasshuku " de Glasgow en novembre 2002, se souviendront sûrement de cet exercice spécifique de " Gasshô-Gyôki " que le Senseï nous fît vivre durant un très, très long moment …
Pourquoi ex… ?
Des années auparavant, en 1979, le destin bouscula mon parcours lorsque, grâce à mon " Senpaï " de Kyûdô, le Professeur Michel Martin, je fus présenté personnellement à Maître Kase en tant que Capitaine du Dôjô et " ex-karateka ", puisque depuis mon accident de parachute, au Commandos Marine, je me consacrais davantage au Kyudô.
Cette nuance fit réagir Kase O Senseï qui me demanda aussitôt : " Pourquoi ex … ? ".
Dès les jours suivants, le Senseï, conduit par mon ami Guy Grandin, karateka issu également des Commandos Marine, me convia à une refonte complète, en épluchant mes bases de l’époque, jusqu’au kata " Bassaï Daï " qu’il s’attacha à décrypter, dans le particulier et les moindres détails.
Dès lors, la grâce de son enseignement me fut donnée, bien sûr, dans une discrétion obligée car s’il m’avait " à la bonne " pour bien d’autres raisons que celle d’être un " officier issu des Commandos Marine ", il était clair que je me faisais tout petit dans les stages, toujours noyé dans cette masse de quelques 200 à 300 stagiaires, séminaires tantôt nationaux, tantôt internationaux.
Maître Kase était assisté de Maîtres réputés tels que Enoeda O Sensei, Myazaki O Sensei, Shirai O Sensei, (aujourd'hui disparus) Naito Sensei…et ce n’était pas évident de tenir le rythme de ces séminaires car, dès le premier jour, nous avions la peau des pieds arrachée par des sessions interminables de " déplacements ", de " kihon ", de " katas " etc…
Kase O Sensei , assisté des Maîtres Enoeda, Myazaki et Shirai / Photo Shotokan Ryu
Shirai O Sensei - Photo " Seishinkai "
En ce mois d'octobre 2024, je tiens à rendre hommage en particulier à Maître Shirai Hiroshi qui vient de nous quitter à l'âge de 87 ans, ce 9 octobre 2024.
Je n'oublierai jamais la reconnaissance qu'il me manifesta après la veillée martiale, devant 1700 personnes, que j'avais organisée pour Maître Kase. Mais aussi, vingt ans plus tard, lorsqu'il me fut donné d'effectuer un travail de " Kototama-Kiaï " le jour de l'incinération de Kase O Sensei dans la crypte du Père Lachaise, Maître Shirai vint vers moi pour la seconde fois afin de me serrer la main et me remercier de l'hommage ainsi rendu à Maître Kase. Il y eut une troisième poignée de main qui me toucha encore plus, celle où Shirai O Sensei traversa le hall du Grand Hotel où une cérémonie nationale était organisée par Francis Didier, président FFKAMA, en mémoire de Maître Kase. Il m'assura à nouveau de son estime, le jour-même où, pour Madame Kase Chieko et ses deux filles, pour tous les instructeurs et élèves nationaux et internationaux présents à cettte cérémonie, j'eus le privilège de vivre un travail de " Kototama-Kiaï " suivi d'un kata " Subiki ", tir de Kyûdô traditionnel.
C'est vous dire combien cette relecture du site " Respiration 2080 " est portée par l' âme de mes Professeurs et Guides, jusqu'à ce départ qui vient de se produire de Maître Shirai Hiroshi, Un disciple et un fidéle, d'entre les fidéles, de Maître Kase, un virtuose du Karatedô " Shotokan " et dont l'exemple ne nous quittera plus jamais.
Cérémonie Obsèques Kase O Sensei - Cimetière du père Lachaise - Paris 2004
( Photos Famille de Me Kase Taiji )
Ces stages nationaux et internationaux étaient rondement et régulièrement organisés par de " fidèles senpaï ", instructeurs en diverses places, telles que Paris bien sûr mais aussi Nantes, Royan , Fréjus, Limoges, Tours, Moulins, Annecy, Lorient, Lens… pour ne citer que les plus légendaires.
Un quart de siècle de discrètion
Pendant toutes ces années, seuls deux instructeurs eurent connaissance du lien établi avec Maître Kase … car il m'accorda de séjourner dans sa maison, d’entretenir son dôjô personnel et son jardin à chacun de mes séjours annuels au Japon.
Ce lien de confiance fut une grande responsabilité pour moi durant tout ce temps, y compris et surtout, lorsqu'il devint le parrain de mon fils Charles qui vient de souffler sa 40ème bougie.
Le Professeur Robert Péchalat dont j’avais visité il y a quelques années le nouveau dôjô, réalisé de ses mains à Limoges et le Professeur Pascal Lecourt, qui m’aida en 1998 à reprendre l’entraînement, après mon accident de voiture d’Octobre 1997, furent invités le 11 avril 1988, quand Maître Kase vint soutenir mon travail et pérenniser le Dôjô des cinq recherches à Cherbourg, le jour-même du baptême de mon fils.
Il est vrai que tous deux étaient sensibles à mon travail sur le Kiai et le Kyûdô, à tel point qu’ils organisèrent des stages en ce sens, dans leurs propres dôjôs de Rouen et de Limoges.
En 1988 et 1989, ils m’accompagnèrent respectivement au Japon, pour découvrir les racines communes du Karatedô et du Budô, selon les recommandations de Maître Kase .
Shimôsa Nakayama - Maison, jardin et Dôjô personnels Me Kase - Photo Bruno Garnero 1985/90
Kashima Jingû et le Sogo dôjô du Maître Otake Risuke, légende vivante du " Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu " furent deux lieux d'un pèlerinage " Budô " que Maître Kase nous exhorta à renouveler.
Ce Temps a passé très, très vite !
Par le truchement de cet anniversaire, je ne puis que reconnaître et préconiser " l’utilité publique " des arts martiaux, à condition qu'ils soient pratiqués et enseignés dans leur stricte respect du " Samuhara no Bû ", c'est-à-dire, l'origine de l'origine du sens du mot martial, car ils sont à même de servir des valeurs telles que le Vivant, la Justice, le Respect d’Autrui et la Santé du Corps Physique et Psychique, sous réserve, bien entendu, que les professeurs se perfectionnent, avec constance, dans l’Esprit du " Ame no Takemusu " !
Ecole de Maîtrise
Ces mots risquent de faire sourire toutes celles et tous ceux qui ont eu à souffrir un jour du manque de maîtrise d’un partenaire, lors d’un entraînement…Le " Uke " n'est pas un punching ball, il est censé nous aider à perfectionner notre pratique, même un débutant et il est vrai qu’il y a plusieurs graduations dans la façon de " contrôler " sur un dôjô, que ce soit en Jûdô ou en Aikidô par exemple, et il est donc possible de blesser un partenaire, en forçant sur une articulation ou bien en cassant un membre.
J’ai souvent été témoin d’incidents de toutes natures sur les dôjôs et je me suis toujours fait un devoir de respecter mes partenaires.
Pour quelle raison n’ai-je jamais blessé un élève ou un partenaire d’entraînement en plus de 50 années de pratique ?
Réponse : Tout simplement parce qu'en ateliers particuliers, en stages intensifs, même lors de démonstrations, telles que cette veillée du 29 février 1984, où devant 1700 personnes Senseï présenta le Kata " Chinte " puis son application " Bunkaï " pour laquelle il fallait assurer, mais, jamais, ses contrôles, plus que réalistes, rapides et puissants n’ont été jusqu’à me blesser.
Hommage au Katori Jingu
avec Otake O Sensei
( Images Bruno Garnero - 1999 )
Kashima Jingu
( Photo Famille Otake O Sensei -
1985 à 1999 )
Otake O Sensei - Sogo Dôjô - Kashima
( Photo Famille Otake O Sensei -
1985 à 1999 )
Kase O Sensei - Shatoku Te - Draveil 1979 et Présentation du " Kata Chinte no Bunkaï " devant 1700 personnes - Cherbourg
Photo Marine Nationale 1984
En observant le " Kime Waza " de Maître Kase, on ne pouvait que s’incliner en présence de sa minutie " d’horloger " surtout quand il était comparé, pour ses 1m62 et 92 kgs à un "Bulldozer" se déplaçant à Mach 2. La comparaison peut paraître audacieuse mais les " senpai " qui se sont retrouvés en face du Sensei, pour une application ou une démonstration, pourraient vous dire mieux que moi ce que l’on ressentait dans ces moments précis…
De cœur à coeur
Souvent, des histoires circulent, des anecdotes refont le Monde des arts martiaux, comme dans les films et l’imaginaire façonne des certitudes dangereuses, pour les pratiquants qui n’ont jamais été confrontés, au risque de perdre la Vie…
C’est souvent le cas en compétition où les pratiquants deviennent des adversaires qui sont capables de se déchausser des dents, sur des techniques qui, dans un contexte réel, ne viendraient pas à bout de quelqu’un de déterminé !
Lors d’une visite que je fis à Maître Kase, avant un départ au Japon, il m’illustra sa conception de la " maîtrise ", par un fait réellement vécu, le concernant directement:
" …Dans un train, un individu le croisa dans le couloir et comme ce dernier était très costaud et que Senseï n’était pas particulièrement mince, l'individu agressif voulu forcer le passage en disant à Maître Kase : Pousse toi, p’tit gros ! ".
La vitesse d'un éclair
Maître Kase m’expliqua qu’il n’était pas indispensable, à partir d’un certain niveau (qu’il situa à l’époque au 3ème dan) de perforer la cage thoracique de quelqu’un dans une telle situation mais qu’une technique bien maîtrisée, avec puissance et rapidité, pouvait s’avérer suffisante pour qu’une sanction lave (je cite) " l'Honneur " ainsi souillé…
Ce faisant, il fit un geste vers moi à la vitesse de deux éclairs, auxquels nous étions familiers en stages, quand il nous démontrait une technique mais là, j’étais à 50 cm de lui, assis à table ! Il me fit ressentir l’atémi " aller-retour " qui lui permit, en un seul temps d’exécution et de son seul index recourbé, de décrocher puis de replacer le maxillaire inférieur de cet individu dont je vous laisse deviner la surprise et la réaction … !
Depuis ce jour, je me suis toujours attaché à faire ressentir cette notion adaptée à la situation réelle et donc de faire prendre conscience qu’il est inconcevable de blesser par maladresse sur un Dôjô, où l'on est tous en pratique, en recherche, en étude, rarement au " top "…Il faut donc travailler et surtout être en état de poursuivre la pratique au millimètre-près car l’acte de maîtrise est vital. En effet, un geste mal contrôlé sur le dôjô équivaut à une technique mal contrôlée en situation réelle.
Comme nous l’avait enseigné Maître Kase, il faut s’entraîner spécifiquement au " makiwara ", en alternant les coups pénétrants en Kimé waza et les coups contrôlés au millimètre, avec la même vitesse et la même tension émotionnelle, pour être en mesure d’être puissant, rapide et maître de soi, en toutes circonstances.
Ce travail sur la maîtrise à vitesse et puissance maximum doit être dilué, à raison d’une année pour environ 20 ans d’entraînement…
Une vie totalement consacrée au Budô, aux autres, à des milliers d’autres…ses élèves.
Samuhara no Bu
Extrait kata Tekki Oyo présenté devant Me Kase au stage de Sydney Australie - 2001
( Images Shurin Tei Dôjô Linda Boussard - 2024 )
Samuhara no Bu
Heian Oyo
( Images Shurin Tei Dôjô Linda Boussard - 2024 )
Dôjô Marine Cherbourg - (Photo Philippe Leseigneur - 1983 )
Etude de la maîtrise en "Kime no Waza" via le Kiaï no Shugyô
( Images Claudine Schlencker - 25 décembre 2024 )
Réunion autour de Kase O Sensei & Madame Kase Chieko Chant - " Coeur de recherche "
Dôjô Hasselt-Belgique 2002 - Photo Bruno Garnero
Si chacun de ses élèves proches devait écrire un jour ses mémoires, ce serait un recueil extraordinaire d’anecdotes qui témoigneraient de son cœur immense et de sa quête perpétuelle vers cette 4ème Dimension du Karatedô dont il nous indiqua inlassablement le chemin …
Comme tant d’autres instructeurs, j’ai consacré maintes fois mes économies pour le suivre partout … En France, bien sûr, mais aussi en Europe et dans le Monde entier, jusqu’à ses ultimes déplacements en Israël et en Australie.
Le 24 novembre 2004, quand il quitta ce Monde, j’eus l’immense privilège d’accompagner ses derniers instants de vie aux côtés de mes frères d'armes Jacques Martiano, Pascal Lecourt, de mon fils Charles, en soutien à Madame Kase et à ses filles, et jamais je n’oublierai combien son visage était beau, expression d’une mission totalement remplie, d’une vie consacrée au Budô mais aussi, aux autres, à des milliers d’autres…
Hommage à Kase Taiji O Sensei
Puisqu’en 2005, le récit de ses funérailles fut publié par internet (information que je n’ai découverte qu' en début février 2006), je souhaiterais utiliser ce site novateur, pour rectifier un détail qui a son importance .
L’auteur de l'époque rapporta, de manière chaleureuse et respectueuse "qu’il fut procédé à un rituel tibétain lors de la cérémonie d’incinération, au Cimetière du Père Lachaise ".
En fait, ce qui fut vécu pour le départ de Kase O Senseï, fut un travail de Kototama et de Kiaï, soutenus d’une succession de plusieurs " nôritos " en langue japonaise ancienne et accompagnés de sons frappés sur une cloche tibétaine réalisée à Lhassa ".
Ce fut ma façon de lui dire " merci ", du fond de mes tripes et de mon âme avec, je dois l’avouer aujourd’hui, une peur indescriptible de ne pas être capable "d’assurer" car nous étions nombreux à lui devoir énormément et cet hommage, issu directement du " Takemusu " s’exprima devant une assemblée de personnalités, d’élèves, d’amis, tout près de Madame Kase Chieko, de ses filles Yumiko et Sachiko, de son petit-fils Yûsuke, de ses frères Messieurs Kase Yasuaki et Taimé, du Maître Shiraî Hiroshi …
Près de moi, assis dans l’angle de cette crypte, certains de mes élèves et notre " senpaï " Jean-Pierre Lavorato… indispensables présences qui m’aidèrent à donner le meilleur au moment le plus cruel d’une telle cérémonie…Merci, Oss !
Lors d'un séjour au Japon, en novembre 2006, je reçus des signes chaleureux de la part de la Famille Kase mais aussi de la part de son ami et frère d’armes, Kon Matsuo O Senseï Maître de Jûdô à l’Université de Meiji et de Karatedô, qui était également Conseiller pour Japan Karatedô Association.
Mais je voudrais adresser une pensée particulière à Madame Chieko Kase qui nous a quitté ainsi que Sachiko Kase pour leur dire, dans l'autre dimension, toute notre tendresse car nous ne saurions oublier l'épouse hors du commun qu’elle fut pour Kase O Senseï …Sans elle, mes senpai, des milliers d’élèves et moi-même, n’aurions pas pu hériter d’un tel " Trésor d’Enseignements " !
" Kase Chieko Sama, dômô arigatô gozaimashita ! "
Et j'ai une pensée particulière pour la famille de Maître Kase à Shimosa Nakayama, qui, chaque année, lors de mes séjours au Japon, m'accueillait avec chaleur et gentillesse et pour Nobuko Kase, la soeur de Taiji Kase O Sensei, ainsi que Yumiko, sa fille que j'ai revue avec joie en octobre 2023.
Enfin, j’achèverai cette évocation en adressant un témoignage de remerciements à un professeur qui vint visiter le dôjô " Fudô Shin " à l’occasion de son déplacement à Cherbourg et qui m’offrit des photos historiques de l’année 1970, époque où ils se retrouvaient, ensemble, avec Maître Tsuda, Maître Kase, Maître Asaï et je fus touché de remarquer que ce frère d’armes, recueilli en seiza sur le marbre froid de cette crypte du Père Lachaise durant la cérémonie d’incinération, je veux honorer, dans l'autre dimension, le Professeur et Maître Noro Masamichi, fondateur du Kinomichi et saluer par la même occasion, pour cette fin d'année 2024, son épouse et son cher fils Takeharu qui me firent la joie de conduire quelques séminaires dans le dôjô de l'avenue des Batignolles à Paris.
Famille Kase Taiji O Sensei - 1985 - Photo Bruno Garnero
Maître KASE et Itsuo TSUDA - Photo Masamichi Noro O Sensei
ETUDES ET RECHERCHES INNOVANTES
Le Mouvement Régénérateur Inné, Katsugen-Undô et Seitaï
La Pratique matinale respiratoire, Ki-Aï & Aï-Ki
Le Kototama, Langage des Sons originels, Science du Grand nettoyage
Le Kyudô, Tir à l'arc de Tradition, Tir intérieur
Le Karatédô, Défense et combat à mains nues
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