extraitS des journaux de voyage
(Document Emanuelle Léger)
2 MAI 1987...
Un samedi qui restera à jamais gravé sur la toile de mon existence.
Me voici seul, sur le petit quai d'une gare, celle de Suzuka, au Japon. Je me demande ce qui a bien pu me pousser à renoncer au grand meeting d'archers qui se tient à Kyôto, au coeur du célèbre temple Sanjûsangen-dô, à l'époque même de ce grand tournoi du palais impérial , les 3 et 4 mai de chaque année.
Curieusement, je me console en me rappelant ce que m'a confié Yorimasa, le fils de mon Maître de kyûdô, Yoshio Kitajima... Les archers de notre époque ne tirent plus à 90 mètres, comme de grands mâitres tel que Anzawa Heijiro O Sensei pouvait le vivre avec des arcs dont la force déployée dépassait 40KGF. Désormais, le mystère du kyûdô se retire de la dimension humaine car cette dernière semble plus sensible à la forme et au " faste " dont on peut l'entourer.
Alors rien de perdu si ce n'est la joie de revoir certains Maîtres de kyûdô, tel que Hatenda O Sensei ou Kamogawa O Sensei.
Cependant je ne cesse de penser à Me Kitajima Yoshio, actuellement en proie à des examens, à l'hôpital. En effet, Me Kitajima s'est fait accroché par un camion, semble-t-il, et cet accident risque de l'handicaper sérieusement, pour exprimer l'essentiel à travers le tir à l'arc.
" Aller au-devant des autres, avec dans le coeur, la douceur du vent de printemps "
Mai 1987
" Nous arrivons devant une maison située à 4 ou 5 kilomètres. Nous sommes accueillis fort chaleureusement puis nous montons à l'étage pour pénétrer dans une petite pièce aux côtés des membres d'une famille.
Nakanishi Seiun O Sensei procède alors à un rite de sacralisation, aux quatre coins de ce qui semble être une chambre, puis, nous nous installons en seïza auprès d'elle. D'un geste clair, elle insiste pour que je me tienne à gauche, et c'est ainsi que j'entends résonner des claquements de mains et des sons bien familiers, avant de voir s'enflammer un édifice de bûchettes minutieusement disposées, sur le rythme d'un Norito cher à Monsieur Tsuda. La source de chaleur croît et la fumée remplit peu à peu la pièce, les yeux nous brûlent et quelque chose en moi force ma confiance malgré la densité de ce feu qui atteint déjà un petit mètre de hauteur et dont la vigueur vient chauffer mon visage.
Tout semble grandir : au fur et à mesure que chaque flamme se veut plus forte, le kiaï de Nakanishi Seiun O Sensei se marie et s'impose à la fois et, curieusement, le découpage de papier qui est maintenu au sommet du feu par une tige métallique poursuit sa danse sacrée, sans brûler, au point de combustion le plus élevé.
Les kiaï se font plus nombreux, chacun vît le Norito de tout son être en dépit de l'air qui semble désormais nous manquer.
Je ne parviens plus à ouvrir les yeux, les larmes coulent et entretiennent un nettoyage ininterrompu que je m'emploie à soutenir d'une pensée vitale : " Ce doit être un test, il faut que je tienne, je ne dois pas faiblir ".
Mieiko Nakanishi, la fille de ma Professeur, se tient à sa droite et anime sa concentration d'une suite gestuelle fort rapide où chaque doigt de la main accentue l'harmonie des énergies en présence.
Le bois est à présent transformé en petites braises incandescentes desquelles montent les douces sonorités d'un crépitement de gros sel que Nakanishi Seiun O Sensei a projeté, plusieurs fois, sur ce feu venu d'ailleurs.Malgré une colonne de flammes hautes de un mètre environ, le découpage de papier fin n'a pas brûlé. A notre grande surprise, nous constatons tous que ce " témoin " fragile est noirci sur toutes ses surfaces sans qu'aucune de ses bordures ne soient calcinées.
Chacun de nous est alors invité à s'imprégner du Ki véhiculé, révélé aussi par ce test singulier du Goma, nanti d'un " bonten "
( découpage de papier très fin placé au point de combustion le plus élevé ) et je ne m'attarderai pas sur les aspects techniques de cette pratique pour ne pas heurter les esprits trop rationalistes.
Cette cérémonie s'achève et nous descendons pour nous remettre de nos émotions autour d'une boisson fraîche, préambule à un repas préparé pour la circonstance.
Nous rentrons à l'Institut de Kototama en début de soirée mais avant de prendre congé pour se reposer, Nakanishi Seiun O Sensei me convit à découvrir plusieurs albums-photos de famille.
Au détour de quelques témoignages et souvenirs, elle me manifeste alors, avec son autorité bienveillante, sa satisfaction pour ma tenue, mon comportement tout au long de ce rite particulièrement éprouvant pour l'ensemble des participants.
Je n'oublierais jamais que ce soir-là, dans la voiture qui nous ramenait, en présence de sa fille Mieiko et de son fils Tateyasu qui conduisait, Nakanishi Seiun O Sensei, qui ne me connaissait que depuis quelques heures à peine, plaça sa main sur mon bras gauche en me disant : " Bruno san, watashi no musuko desu ne ! " ( " Bruno, tu es mon fils ! " )
Journal de voyage - Japon - 2023
Photo Bruno Garnero
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